Manuchehr Kholiqnazarov est un éminent défenseur des droits humains de la région autonome du Haut-Badakhchan (GBAO) au Tadjikistan. Comptant parmi les 873 avocats restants pour une population de 10 millions d’habitants, il est respecté pour son travail en tant que directeur de l’Association des avocats du Pamir (LAP), l’une des rares organisations de la société civile du GBAO, liquidée en décembre 2022. Il est également membre de la Coalition de la société civile contre la torture et l’impunité au Tadjikistan, du Conseil public sur la réforme de la police et de la Coalition sur les droits au logement.
Dans un contexte de tensions accrues et de militarisation de la région par les autorités centrales, Manuchehr Kholiqnazarov, en tant que membre de la Commission 44, assure la médiation entre les autorités et la population pamirie — la minorité majoritaire vivant au GBAO qui représente 4 % de la population totale du Tadjikistan. Il assure également le suivi de l’enquête sur les violences policières massives et la mort de Gulbiddin Ziyobekov, une figure de la jeunesse pamirie, ainsi que de deux manifestants en novembre 2021. En tant que membre d’un groupe de six représentants de la société civile, Manuchehr Kholiqnazarov soutient les enquêteurs du bureau du procureur général lors d’une visite au GBAO, au cours de laquelle des preuves médico-légales sont découvertes, indiquant que Gulbiddin Ziyobekov a été tué de manière illégale par les forces de sécurité. Les résultats de l’enquête ne seront jamais communiqués officiellement, et les autorités feront à l’inverse preuve d’hostilité et de déni face à ces allégations.
Manuchehr Kholiqnazarov est arrêté le 28 mai 2022, après avoir été invité à une conversation informelle au bureau du procureur de Khorog, avec deux autres membres de la Commission 44. Son dossier est classé secret d’État, impliquant que toute divulgation d’informations entraîne une responsabilité pénale. Son procès se déroule à huis clos dans un centre de détention provisoire, sans accès à son avocate ou avocat ni aux preuves utilisées contre lui, en violation de toutes les garanties d’une procédure judiciaire libre et équitable. Il purge actuellement une peine de 16 ans de prison, dans une prison éloignée de sa famille et dans des conditions préoccupantes pour sa santé.
Le 26 janvier 2023, le bureau du procureur général annonce que la Cour suprême l’a reconnu coupable d’avoir créé une association criminelle et une organisation extrémiste, en vertu des articles 187 (1) et 307 (3) (1) du code pénal. Plusieurs experts et organismes internationaux, dont le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, ont conclu que sa détention était arbitraire et ont appelé à sa libération immédiate et inconditionnelle. Les articles en vertu desquels il est inculpé se rapportent au terrorisme comme il est défini de manière large par la loi de la République du Tadjikistan sur la lutte contre le terrorisme. Ils sont fréquemment utilisés pour réduire au silence celles et ceux qui critiquent les politiques de l’État dans la région.